Etape 8 : Majola-Madulain

La 8ième étape de notre Grande Traversée des Alpes s'est déroulée du 16 au 23 avril 2022  à travers les massifs de la Disgrace (Disgrazia) et de la Bernina au confins de l'Engadine suisse et de la Lombardie italienne, à deux pas de la frontière autrichienne. 

Nous  sommes partis à trois  pour cette GTA8, Antoine n'ayant pas pu se joindre à nous cette année encore.  Jusqu'au bout l'incertitude a plané sur  notre raid, sur les conditions, sur les dates, sur les participants, sur l'itinéraire final,  sur notre capacité à le boucler,  sur l'ouverture des refuges, sur le matériel ....  Organiser et réussir un tel raid nécessite la  conjonction de beaucoup de facteurs  simultanés :  préparation minutieuse, anticipation, volonté farouche, engagement, entrainement, expérience, esprit de décision collectif,  patience et résilience  face à l'imprévu. René Char disait : "Impose ta chance, serre ton bonheur, vas vers ton risque ". Il nous a inspiré avant et pendant cette traversée.  

Nous avons  réalisé un itinéraire de grande ampleur, alpin dans son tracé et assez difficile techniquement.  Nous avons parcouru 85km  de distance et 8600m de dénivellée avec une méteo favorable et des conditions  de neige hors du commun qui ont durci les étapes et nous ont contraint à beaucoup d'adaptation.  Nous avons  dormi le plus souvent dans des petits refuges sommaires non gardés et avons été pratiquement seuls pendant les 7 jours passés en altitude. Les étapes de l'ascension de la Disgrazia et du Piz Palu resteront des étapes d'anthologie pour chacun d'entre nous  par leur ampleur et par leur esthétisme ! 

Pour cette  8ième étape  nous  souhaitions  une traversée  un peu exceptionnelle afin de marquer l'étape de l'année de nos 60 ans, 10 ans après la genèse  de notre beau projet de Grande Traversée  des Alpes  à ski et de Traversée de la Cinquantaine en simultané....    Notre choix s'est porté sur les massifs emblématiques  de la Disgrâce et de la Bernina et il a fallu chercher  pour construire un itinéraire qui correspondait à nos critères. Nous avons fureté "à l'ancienne" pour trouver  des idées  et s'inspirer de récits d'aventures alpines dénichées dans nos bibliothèques,   au "Vieux Campeur", dans "Paris Cham, "Montagne et Alpi", "Vertical", "Alpi Rando",  ou sur les sites de skieurs de montagnes ....  

L'itinéraire  a progressivement pris forme au fil des  des mois  d'hiver et de printemps un peu comme  un dessinateur  donne naissance à un personnage de BD.   Une ligne rouge sur une carte pour marquer le chemin, des cercles pour signaler les étapes dans des cabanes incertaines, des croix pour marquer les passages, les difficultés, les doutes, l'imaginaire qui travaille au passage des cols, des sommets et des resserrements de lignes de niveau.  La joie  intime dans la pénombre d'une  nuit de février  l'oeil rivé sur les cartes alpines de trouver une"solution" pour "traverser"  le sommet de la Disgrâce  ou "remonter" de Chiareggio vers la crête de la Bernina  comme on résoud une équation mathématique sans solution apparente. Au fur et à mesure,  l'itinéraire a pris  corps. Ce qui était discontinu est devenu  continu,  ce qui était envie  est devenu projet, ce qui était compliqué  est devenu possible,  l'itinéraire s'est mis à vivre dans nos têtes .... la GTA8 était en train de naître.  Il ne restait plus qu'à la mettre en musique !

J1 : Majola - Chamana del Forno (D+ 900)

C'est  au col de Majola à la frontière entre la Lombardie et l'Engadine, qu'avait été fixé le point de rendez-vous  pour le départ  le samedi 16 avril à midi.  Nous nous retrouvons après avoir traversé en voiture la plaine du Pô, Milan et longé le lac de Côme  depuis Nice pour Nicolas et depuis Saint Gervais pour Thierry et Jean-Luc. Nous finalisons les préparatifs au pied des voitures sous un soleil printanier. Les sacs sont lourds remplis de vivres pour  8  jours et de matériel de montagne. On a rogné  sur tout  mais malgré tout, nos sacs dépassent allègrement les 18kg. On a mégotté sur le nombre de versions de cartes papiers emmenées au  cas où  les GPS  tomberaient en rade, sur le nombre de paires de chaussettes et de slips, sur la taille de la brosse à dents,  mais on  a quand même pris des pâtes  et des  soupes supplémentaires  au cas ou nous serions bloqués. Après discussion, on a choisi d'emmener  la corde de 50 m en 6mm plutot que celle en 8,5mm. 1kg de gagné ! Tout est discuté, évalué, sous pesé, supprimé, gardé ..... Le résultat est un  compromis discutable.  Les sacs sont trop gros, trop lourds .... avec la certitude ancrée en chacun d'entre nous que nous emportons trop ! Ce paradoxe est le prix de l'autonomie ... Il fait partie de notre philosophie commune de la montagne et c'est celle de la GTA. 

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Les premiers pas sonnent  comme une libération. Il est 13H30. C'est un  soulagement  de s'arracher enfin aux contraintes de l'organisation du raid et de démarrer notre traversée !  Nous partons  pour une étape assez longue au vu de l'heure déjà tardive, skis au dos dans le fond du long vallon del Forno  qui pique vers le sud. Malgré le manque de neige, nous chaussons les skis assez rapidement dans le vallon sur une neige ramolie par  6 jours consécutifs sans gel à cette altitude.  La marche devient vite une épreuve à mesure que la neige devient plus épaisse car nous enfoncons à chaque pas quand  le terrain  mal recouvert par la neige ne nous impose pas de déchausser  les skis. 

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Vers  17H, après plus de 3 heures  d'efforts,   nous n'avons parcouru qu'à peine la moitié du vallon  et fait tout juste 300m de dénivellée alors que nous devons en gravir 1200! De toute évidence nous ne pourrons atteindre le refuge de ce soir avant la nuit.  La montée supposée débonnaire  et facile s'avère éreintante  et pénible, nous n'avancons pas. L'enthousiasme  du départ se transforme en inquiétude.  Nous sommes obligés d' improviser   une solution alternative au refuge d'Albigna où nous étions supposés  dormir ce soir. 

'L’idée de redescendre le vallon  que nous venons de monter est une option qui est vite écartée, la solution que nous choisissons  est  d'atteindre une autre cabane, la Chamana del Forno, située à 2600m d'altitude sur le bord de l'immense moraine de la  rive droite  du glacier   à environ 3H de marche, mais qui est  fermée selon nos informations.

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Nous  devrons peut être bivouaquer devant le refuge  à moins que par bonheur  nous trouvions un  local d'hiver ouvert ! C'est un pari mais nous n'avons pas vraiment d'autre choix.  Il n'y a  aucune  trace ni de montée ni de descente dans la neige en direction du refuge, même ancienne,  ce qui est mauvais signe !   Il est  19H30  lorsque' nous sortons du couloir raide qui nous permet de dépasser la moraine  du glacier et d'atteindre  les pentes terminales plus douces vers  le refuge.   La lumière des derniers rayons du soleil couchant est très belle lorsque nous arrivons. Le refuge sans surprise est fermé  .... mais nous sommes soulagés de découvrir un petit  local  d'hiver ouvert qui dispose de 4 couchettes, un petit poële et même du bois  pour l'allumer !  Nous n'aurons pas à bivouaquer dehors pour notre première nuit de la GTA8 ! Elle sera  chaude  après cette  journée éprouvante  ... plus de 6 heures de brassage épuisant pour  ne grimper  que 900m !

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Nous avons besoin de récupérer blottis dans ce petit refuge douillet entourés par les fantômes  des crêtes  bleutées   du cirque del Forno  qui se découpent dans la lumière du soir.  La nuit tombe vite, on allume le poele, les bougies,  le réchaud.  On va chercher de la neige pour la fonte, pour la soupe et les pâtes; il faut manger, boire et rehydrater nos corps meurtris par la journée... Les épaules sont endolories, les corps fatigués, déjà, et les esprits un peu inquiets des conditions ? Nous pensions être bien préparés,entrainés, avoir tout prévu .... il en est tout autrement. La réalité de la montagne nous rattrape toujours. S'adapter, toujours s'adapter, encore s'adapter. 

Les étoiles s'allument une par une dans le ciel bleu outremer du massif de la Disgrâce ,  la pleine lune projette ses rayons sur les montagnes d'Albigna  qui nous narguent en scintillant pâlement  et dessinent les contours nets d'une ombre noire de nuit.  L'ambiance est fantasmagorique. La GTA8 a vraiment commencé.

 

J2  Chamana del Forno – Rifugio Kima (D+1200 D- 1000)

Levé 6H. Le temps est beau.  La nuit a été douce et ressourcante.  Il ne fait pas très froid ce matin , peut être -5°C lorsque nous  pointons  le nez dehors!  On comprend mieux pourquoi la neige a tant de mal a geler en profondeur pendant la journée dès que le soleil donne. Nous devons d'abord redescendre  jusqu'à 2200m le long de la moraine que nous avons remonté difficilement  hier soir  avant de nous engager vers le fond du cirque . L'ambiance est impressionnante  dans cet espace immense  où nous sommes absolument seuls. La neige meuble de la veille s'est transformée en croute glacée  dangereuse à la descente, la pente est raide et les muscles  encore engourdis doivent s'employer pour éviter la chute.  

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Nous remontons  le glacier majestueux  recouvert par la neige comme nous déambulerions dans  la nef d'une cathédrale. Les sommets autour s'illuminent un a un et ressemblent à des chapelles ardentes. Les seuls bruits perceptibles sont ceux du vent qui s'engouffre dans le glacier et le crissement régulier des skis sur la neige  telles des crécelles  activées au rythme de nos pas. Nous quittons bientôt le lit du glacier pour nous élever sur la rive droite par une écharpe de neige raide et gagner les étages supérieurs, comme si nous voulions mieux apprécier  l'ampleur de la nef de cette cathédrale.  Le soleil nous rattrape à mesure que nous nous éleverons vers les crêtes. Aucune trace de pas ni de ski à l'horizon,  ni devant, ni derrière. L'espace est absolument vierge  sur ces pentes de neige immaculées.

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Dans cette montée où tout semble soudain facile, nous éprouvons pour la première fois de cette GTA8  ce sentiment particulier  d'être de vrais privilégiés de réussir à nous donner les moyens de partager  de tels instants  en montagne.  Nul besoin de se parler pour se comprendre. Les sacs semblent plus légers, les esprits volent, les yeux se projettent vers les sommets.  En se rapprochant de la crête, on découvre  progressivement toute l'arête que nous devons suivre puis  traverser pour basculer vers l' Italie. L'arête est d'abord douce en neige,  puis se redresse en terrain mixte plus délicat, puis se termine en rocher abrupt. Nous sortons la corde pour atteindre le sommet. C'est difficile de se  mouvoir sur une arête rocheuse avec des sacs de près de 20kg sur  le dos et des skis accrochés dessus. Un  pas délicat ou un simple rétablissement demande un effort démesuré. 

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Du sommet,  la vue est  belle, vers  l'Est les parois impressionnantes du Piz Badile; vers l'Ouest  le coeur du massif et l'élégant  sommet de   la "Disgrace" où nous irons le lendemain.  L'ambiance est impressionnante....Le manque de neige est criant rendant toutes les traversées et les arêtes longues et dangereuses! Nous nous interrogeons sur  la suite de l'itinéraire  au vu des conditions de neige !  Le doute s'installe de nouveau, l'enthousiasme du matin fait place à  pas mal de questions et un peu d'inquiétude.  Allons nous réussir à passer ? Quelles sont les  meilleurs options pour la suite du raid ? 

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Nous laissons ces interrogations sans réponse  et désescaladons l'arête Ouest un peu délicate  du Monte Sissone jusqu'à une brêche puis posons un rappel pour mettre pied  versant sud sur les premières pentes de neige très escarpées  qui nous permettront  peut être de rechausser et de poursuivre notre route. La glace n'est pas loin ! les rochers affleurent.  Les pentes demandent beaucoup de précaution.   Après avoir remis les skis, nous devons zigzager entre les  "requins" (joli nom employé pour désigner les rochers  qui émergent de la neige tels des ailerons de requin à la surface de l'eau)  et éviter de faire partir des coulées.  

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Après une descente  assez  délicate et une longue traversée à flanc nous  parvenons  au minuscule refuge Kima où nous devons passer la nuit ? La cabane est située dans un endroit assez nmagnifique, sorte de sentinelle perchée à 2800m d'altitude  dans le massif de la Disgrâce. On s'y sent  en équilibre  entre ciel et terre. Dans le refuge, le confort est minimal  mais c'est bien assez pour notre bonheur :  il y a  une table bancale, 2 bancs sommaires, 6 couchettes, quelques couvertures trouées, une casserole déglinguée et un poele ..... dommage qu'il n'y ait pas de bois!  Le poele restera éteint ! Nous aurons du mal à faire sécher nos chaussures ce soir et nous  nous contenterons  du réchaud pour faire fondre la neige et  cuire notre diner !  Il fera frais cette nuit dans le refuge. 

Nous discutons  longuement pendant l'après midi et la soirée des options possible pour les jours suivants. Le doute s'est installé au sein de l'équipe après 2 journées beaucoup plus difficiles que prévu. Un peu de pessimisme aussi. Faut il  changer nos plans ? Rebrousser chemin devant les conditions trop délicates ? Devant la longueur et la difficulté de la journée du lendemain ?   Est ce qu'on a un plan B?  Partir à trois pour une telle aventure  présente l'indiscutable avantage d'avoir toujours une majorité qui se dégage dans les moments de décisions difficiles (2 contre 1)  ... Nous décidons finalement de poursuivre notre itinéraire comme nous l'avions prévu .... et de forcer notre chance et le destin de la GTA8.

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Nous assistons en spectateurs sur la terrasse du refuge au  grandiose scénario du coucher de soleil  un peu comme si il avait été "mis en scène pour nous seuls". Dans un élan de modestie au milieu de sa splendeur, le soleil  laisse  progressivement sa place à sa petite soeur la  lune qui nous gratifie d'un levé délicat  en éclairant  les mêmes montagnes d'un blanc diffu tout en délicatesse. Quelle poesie dans le déclin du soleil d'abord puis dans la passation de pouvoir progressive du soleil à la lune dans le ciel pastel de la fin du jour! D'habitude nous ne le regardons pas. 

 

J3  Rifugio Kima - Chiareggio  (D+ 1800 D- 3000)

Levé 4H30. Il fait froid dans le refuge au réveil.  Dehors la lune trône encore en majestée.  Nous nous préparons en silence . Les doutes d'hier semblent avoir disparu alors que nous sommes tous les 3 concentrés vers  les objectifs  du jour : 3 cols, un sommet , des passages techniques, un itinéraire compliqué, une longue descente sans neige vers Chiareggio  en fin de journée si tout se passe bien.... Après un rapide petit déjeuner, nous quittons le refuge avant le levé du soleil d'abord  à pied sur un éperon, puis à ski  pour une traversée ascendante, puis en crampons pour gravir le couloir en dévers qui doit nous permettre de déboucher sur les pentes sommitales de la "Disgrazia". Les modulations de la lumière au dessus de la mer de nuage sur la Lombardie sont d'une beauté exceptionnelle. Elles varient  à mesure que nous nous élevons. La lune reste longtemps visible dans le ciel vers le sud en attendant que le soleil ne lancent clairement ses rayons dans le ciel pour la faire disparaitre. 

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L'ambiance est  froide et austère au petit matin sur le versant Ouest de cette si  gracieuse "Disgrâce". Nous devons nous employer pour gravir des passages  en dévers étroits et raides. Le piolet mord, les crampons crissent, le souffle est court, l'esprit est concentré. Nous sommes silencieusement heureux tous les 3 de nous sentir pleinement dans cette atmosphère de haute montagne  que nous connaissons et aimons tant! C''est cela que nous venons chercher  dans ces lieux reculés : la solitude, l'immensité, l'élévation, le dépassement , la simplicité... Nous débouchons vers  3400m en haut du couloir dans la pente vers l'arête terminale  de la "Disgrâce". Le soleil nous rattrape au moment ou  nous remettons les peaux pour gravir les 200 derniers mètres. Nous nous arrêtons sous le sommet  qui culmine à 3700m. Les conditions sont trop mauvaises pour gravir la pente finale!  L'ambiance est très vertigineuse sur l'arête. On devine tout en bas très loin vers le nord, le village de Chiareggio ou nous devons dormir ce soir ....

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Sur l'autre versant vers le sud, le beau  vallon de Pori que nous allons  maintenant descendre sur 1000m avant de remonter plein ouest dans un couloir raide vers le Passo di Corna Rossa.  Le timing est bon, le soleil a juste eu le temps de légèrement "décailler" la neige du vallon durcie par le gel pendant la nuit avant que nous nous lancions dans la descente. Nous skierons ce matin sur une "moquette à poils courts" comme on dit dans le jargon des skieurs de montagne ... C'est tout un art quand on pratique le ski de rando  de "calculer" la bonne heure de descente en fonction de l'exposition d'un versant au soleil, un peu comme on mange un plat trop ou pas assez cuit . Trop tôt, c'est gelé , trop tard c'est de la soupe. Au bon moment, c'est de la "moquette" délicieuse à skier, tantôt à poils courts, tantôt à poils longs si le soleil a eu le temps de "travailler" la neige

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La descente  est belle et sans difficulté. Nous avons la place de nous lacher et faire de grandes arabesques entre les minarets qui encadrent le glacier. Thierry s'en donne à coeur joie. Nous gagnons la rive gauche du glacier  pour essayer de perdre le moins d'altitude possible avant de nous engager dans le  couloir  raide  pour remonter vers le Passo di Corna Rossa. Nous posons les skis et resortons crampons et piolets. La neige est changeante dans le couloir, tantôt dure, tantôt en glace, tantôt poudreuse dans laquelle on enfonce jusqu'au genoux. Certains passages sont bien raides et demandent à Jean Luc de  déployer pas mal d'energie pour les franchir.   Nicolas trouve le passage final pour sortir au sommet. En arrivant au col, on distingue quelques échelles et cables  de la via ferrata qui permettent manifestement de franchir le  col en été ! 

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Nous arrivons au col vers 13H en ligne avec notre planning, et nous installons en plein soleil  pour  déjeuner, première pause  depuis notre départ du refuge avant le levé du jour.  Comme tous les jours, un peu de Saucisson, de fromage, de pain et une compote. C'est frugal. C'est suffisant. Nous sommes bien. Nous n'avons besoin de rien d'autre.  Nous rechaussons bientôt les skis pour nous engager dans la descente du val d'Airale orienté plein Est  qui prend le soleil depuis le matin et dont la neige est déjà complètement transformée.  Nous devons  slalomer pour éviter les rochers et trouver le bon itinéraire de descente jusqu'a la courbe de niveau  2300m, point  ou il nous devons rebifurquer verrs le Nord   Il fait très chaud. Nous avons  900m à remonter pour arriver sous le Pizzo Cassandra et  franchir la crête qui nous  permettra de  basculer dans le long vallon vers Chiareggio. 

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Aucune trace de vie dans ce vallon désert écrasé de soleil (photo ci dessus au milieu).   Dès le début, nous sommes lents dans l'ascension .... Nous nous relayons pour faire la trace dans cette neige de printemps  mouillée par le soleil. Nous sommes obligés de  déchausser à plusieurs reprises pour surmonter des pierriers et éviter des barres rocheuses dangereuses. La fatigue se fait sentir.  Dans la montée,  Jean Luc rencontre une série de  problèmes de matériel qui complique  l'ascension :  d'abord un problème de peaux de phoque qu'il faut recoller, puis une fixation défectueuse,  puis un batons qui se casse en deux net après s'être coincé entre 2 rochers !  Il convient de réparer tant bien que mal, trouver des solutions sans perdre de temps, rester calme, s'adapter au mieux et continuer.   Nicolas puis Thierry passent devant dans les pentes terminales et au prix d'un bel effort  parviennent sur la crête à 3100m par un couloir raide censé nous permettre de basculer versant Nord.  

Surprise et déception,  de l'autre côté, un abrupt nous interdit l'accès au  glacier.  Nous ne sommes pas au bon point de passage. Nous  hésitons malgré tout à tirer des  rappels hasardeux depuis le point ou nous sommes pour gagner le glacier de l'autre coté mais renonçons sagement . Nous décidons de redescendre  le couloir  que nous venons de remonter pour chercher un autre passage plus à l'est.  L'heure tourne,  le soleil baisse, il est  déjà 18H !  C'est dur pour le moral car la fatigue se fait sentir après plus de 12H d'effort. Nous savons que ce moment  est clé pour la suite du raid.  Tout en marchant, nous discutons et réfléchissons à un plan B si nous n'arrivons pas à passer.... Les avis divergent.  Nous finissons par identifier un  autre couloir un peu scabreux qui semble nous permettre d'atteindre la crête et peut être traverser,  nous hésitons un long moment à nous lancer dans un passage raide et exposé. On manque de jus !  Heureusement,  et c'est cela la magie de la GTA, il y en a toujours un parmi les 3 qui reprend le flambeau et tire le groupe dans les moments délicats. C'est cela une équipe,  une cordée, une amitié ? L'équation est simple : Soit on passe et le raid continue vers le nord et la Bernina; soit ça ne passe pas et la suite de la traversée  est bouleversée et devient très incertaine. Thierry s'engage  dans le passage en taillant des marches dans la neige qui recouvre  des plaques de glace piégeuses. Il escalade une dalle rocheuse  raide en équilibre instable, se tracte, hésite... et passe. Il parvient ensuite aisément jusqu'à la crête d'où il nous crie que "de l'autre côté, c'est tout bon", le glacier au Nord  est assez aisément  accessible.  Nous pouvons poursuivre notre traversée. La suite de notre GTA8 n'a tenu qu'à un fil....

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Le long vallon  vers Chiareggio est déjà dans l'ombre quand nous mettons le pied sur le haut du glacier Vedretta della Ventina et attaquons la descente (ci dessus à G) . Il est 19H00. On voit sur la photo ci dessus  (au milieu)  les pentes à droite dans lesquelles nous avons hésité à lancer les rappels !!! Bien nous en a pris de ne pas essayer.  La descente du glacier est longue, d' abord en bonne neige  puis de plus en plus médiocre à mesure que nous descendons. Il convient d'être prudent dans la descente car de grandes crevasses barrent le glacier comme les côtes d'un sternum de manière un peu piegeuse. La fin du vallon est compliqué dans une neige qui s'écroule litteralement sous notre poids.  Nous arrivons  vers 20H à la cabane (fermée) de Ventina,. La nuit tombe, il n'y a désormais plus de neige, et c'est à pied avec les frontales que nous devons rejoindre le village de Chiarella situé 400 mètres plus bas  à 5km.   Nous poussons la porte de l'auberge à 21H45. Le patron nous accueille  avec une bière, un repas froid et la clé de notre  chambre... 

A peine assis,  malgré la fatigue et l'heure avancée ,  nous devons immédiatement réfléchir au programme du lendemain si l'on veut poursuivre notre raid et arriver au refuge Marinelli Bombardieri. L'itinéraire initial prévu est impraticable sans neige dans l'immense versant sud très raide vers le Piz Tremoggia que nous avions prévu de gravir.  Comment allons nous rejoindre le refuge Marinelli le lendemain ? Mi sérieux, mi moqueur, Thierry évoque même l'idée d'une journée  farniente off. Avec l'aide du patron de l'hotel particulièrement sympa, nous élaborons  immédiatement un plan d'attaque. Un taxi pourrait venir nous chercher à 7H du matin et nous emmener jusqu'à un lac de barrage situé à 1900m dans un vallon adjacent beaucoup  moins raide et plus abrité du soleil  que celui que nous voulions gravir et donc beaucoup plus enneigé. De la nous devrions pouvoir assez facilement rejoindre le refuge Marinelli  par un col situé à 3200m et poursuivre notre itinéraire.  C'est l'option que nous retenons. En attendant, il faut vite aller se doucher (la première depuis le départ), et dormir pour récupérer de cette journée engagée, tendue, harassante et magnifique. 

 

J4  Chiareggio - Rifugio Marinelli   (D+1300 D- 500)

Au petit matin, encore un peu groggy de la veille, nous découvrons le beau vallon de Chiareggio  que nous avons parcouru  hier de nuit à la frontale.  Nous sommes les seuls clients  dans cette auberge rustique  qui nous a accueilli pour la nuit. Elle ferme juste après notre départ. La saison est terminée en attendant l'été.  Le taxi commandé la veille à 22H30 attend à 7H précise devant l'auberge alors que nous terminons à peine nos sacs et notre petit dejeuner.  Le taxi  nous transporte par une route sinueuse et escarpée au pied du  barrage de Campo Moro.  Le ciel est d'un bleu éclatant presque artificiel tant il contraste avec le brun orangé de la terre et des paroies. L'endroit ou le taxi nous dépose est étrange et décalé, le chauffeur lui même semble un peu surpris de la situation  à tel point qu'il nous demande de faire une photo ensemble "pour son site internet".  C'est très austère, il n y pas de végétation ni âme qui vive ici au pied de cet immense barrage,  nous sommes absolument seuls,  lourdement chargés avec nos sacs, nos skis, nos chaussures   alors qu'il n'y a pas  un brin de neige à l'horizon.  Nous nous demandons un peu ce que nous faisons la.

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Les pas sont lourds. Nous  débutons J4 par l'ascension pour le moins insolite de la rampe d'accès à l'imposant  barrage de Campo Moro . Arrivé en haut, nous devons traverser  la digue  pour longer le lac sur son versant Est  et  rejoindre le refuge Bignani à 2300m d'altitude.  Drôle de GTA8 ! Le rythme lent de la marche à pied nous fait du bien comme si il  nous aidait à remettre  progressivement les choses à leur place.. L'impression désagréable de ce matin sous le barrage  s'estompe peu à peu en prenant de la hauteur. Les pas se font plus légers à mesure que le paysage se fait plus large, que  les glaciers se rapprochent et la neige plus présente. Magie de l'altitude, elle est notre remède miracle   ....

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Après  avoir dépassé le refuge  gardé par 2 patous peu accueillants, nous changeons d'orientation pour bifurquer plein ouest dansle vallon de l'Alpe di Fellaria en direction du refuge Marinelli Bombardieri.  Il y a suffisamment de neige pour  rechausser les skis et les peaux. Nous  sommes une fois de plus  absolument seuls  dans ces immensités de rocs et de neige et faisons notre trace au  fond du  vallon dans une neige déjà transformée par le soleil alors qu'il est à peine 10H du matin. Nous nous félicitons de nous être levé ce matin. La pente se redresse fortement pour atteindre la Becchetta di Caspoggio à 3100 m d'altitude.   L'arrivée au col qui a pris le soleil depuis tôt ce matin est  assez délicate  et demande que nous sortions piolet et corde au dessus de barres rocheuses peu engageantes. 

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Arrivés au col, nous basculons  vers le coeur de la Bernina dont on voit le sommet qui domine au loin.  On distingue  bien au loin  le rifugio Marinelli où nous allons dormir ce soir  et plus à l'est  sur la gauche le piz Tremoggia et le long vallon que nous devions initialement suivre pour arriver au refuge depuis Chiareggio.  Le refuge  Marinelli est une batisse massive sans charme qui  ressemble à beaucoup d'autres  refuges en Italie,  de style résolument militaire, construit vraissemblablement dans les années avant guerre, en pierres sèches, un peu démesuré  par sa taille et désuet par son aménagement des années 50.  

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Les  gardiens du refuge  prennent calmement le soleil dans des chaises longues sur la terrasse lorsque nous arrivons.  Nous les rejoignons  et prenons  une   bière fraîche avec eux dans la douceur de l'après midi...  l'occasion idéale pour nous pour prendre un peu de recul, échanger et réfléchir sur notre traversée.  Nous avons tous les 3 l'impression depuis le départ que cette 8ième étape de notre GTA  tient sur le fil d'une arête en équilibre, ballotée par les éléments, prête à capoter à chaque instant.  Nous  avons rencontré beaucoup  d'imprévus, de problèmes techniques, de conditions inattendues , de difficultés d'itinéraires. Malgré cela, depuis 4 jours, les options que nous avons prises en montagne, notre réactivité dans l'adversité et nos choix d'horaire et d'itinéraire ont toujours été les bons  ....  C'était loin d'être évident.  La GTA tient debout.  Notre trio est complémentaire dans la difficulté, nous cherchons des solutions ensemble,  la force de notre  cordée "dans l'amitié de la montagne" comme titre joliment Pascal  Bruckner est évidente.  Le magnétisme  de cette  GTA opère et nous pousse irrémédiablement à avancer et continuer à  partager cette aventure qui sédimente au fil des années, comme un vin qui gagne en arôme et prend de la valeur avec les années. 

 

J5  Refuge Marinelli - Diavolezza  D+ 1800 D- 1700

Levé 4H30. Excellent petit déjeuner dans ce premier refuge gardé de notre itinéraire. Départ à 5H30 avant le levé du soleil pour une étape qui nous fait rêver depuis des mois. Une très grosse et très belle journée en perspective, le versant nord de la Bernina, la traversée de Bellavista, le Piz Bernina et le Piz Palu.  A mesure que nous nous éloignons du refuge, les premiers rayons du soleil touchent au loin vers l'est le sommet de la "Disgrâce" ou nous étions il y a 2 jours. Quel paysage !  Pour la première fois depuis le départ de Majola, nous ne sommes pas seuls, 3 ou 4 autres groupes partent en même temps que nous du refuge. Certains pour la Bernina, d'autre pour le Palu. Nous sommes seuls à partir pour notre traversée magistrale. L'objectif est d'arriver à la Divolezza ce soir, tout à fait de l'autre coté du massif. 

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Après une heure de marche, nous traversons  le passo Marinelli et redescendons légèrement pour déboucher sur le vaste plateau glacière suspendu du Scercen  dominé vers le Nord par le piz Rosen et le Piz Bernina. L'environnement est sauvage et  majestueux. Nous parvenons bientôt au pied du couloir d'accès à la Fuorcla Aguzza et au refuge marco E Bruno. Nous chaussons les crampons et sortons les piolets pour gravir les 300 mètres du couloir en direction du Piz bernina. 

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Après avoir rencontré un passage désagréable en glace grumeleuse et noire dans la partie médiane du couloir, nous devons franchir un verrou un peu délicat  au milieu  encombré par une cordée mal à l'aise dans ce terraain avant de  sortir tout droit dans  une pente raide.  Arrivé au sommet, le couloir s'évase comme un entonnoir. Sur la gauche, le refuge Marco E Bruno  perché sur l'arête escarpée qui mène au sommet du Piz  Bernina, et devant nous  vers l'Est l'immense versant nord menant au Piz Palu à travers les séracs des "Terrasses de Bellavista "que nous allons désormais traverser.  L'itinéraire ne semble pas évident au premier regard. D'abord descendre pour éviter les premiers séracs puis remonter en direction du Piz Zuppo (3995m !) pour  trouver le meilleur itinéraire dans ce dédale de séracs et de crevasses. 

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Nous montons, descendons, remontons, redescendons, slalomons entre les crevasses. Les quelques traces présentes sont floues et trompeuses. L'ambiance est magistrale (Photo de G ci dessus) .   L'altimètre indique 3800m, nous sommes a priori un peu trop haut mais cela semble passer. Thierry s'engage,  la pente s'accentue, la neige devient glace ! il faut poser des broches  et s'équiper.... la discussion s'engage entre nous ....  Le passage semble trop exposé. Ne faudrait  il pas plutôt redescendre de 150m pour passer sous les séracs?  au moins essayer. Il semble qu'il y a une vieille trace un peu plus bas mais le passage n'est pas vraiment  évident. Echange vif.  Nous parlons de rebrousser chemin. Il s'en faut d'un cheveux. La discussion se calme. Nous finissons par trouver un moyen pour descendre, traverser sous les monuments de glace (photo du milieu ci dessus) et rejoindre facilement  le col  de Bellavista (Photo de D ci dessus) et le pied de l arête du Piz Palu. Nous sommes sortis. La traversée peut continuer ! 

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Après le col de Bellavista, nous faisons une pause qui nous permet tous de retrouver nos esprits après ce passage un peu tendu. Nous traversons ensuite  le glacier Altipiano  avant de nous engager dans la pente raide en neige et mixte qui nous permet de prendre pied sur l'arête sommitale du Piz Palu (Photo du milieu ci dessus) . Arrivés  au sommet  Ouest du Piz Palu , nous entamons la superbe traversée  des arêtes pour rejoindre le sommet Est (Photo de D ci dessus). Le brouillard monte progressivement depuis l'Italie lorsque nous parcourons l'arête ce qui donne une dimension très  aérienne ce beau passage. 

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A cette heure de la journée, nous avons la chance d'être absolument seuls sur cette longue arête éffilée et grandiose. Vers le Nord, la corniche  est impressionante, vers le sud la pente est vertigineuse vers l'Italie. Entre les deux, la petite arête nous maintient dans un équilibre précaire entre ciel et terre.  Elle est bien tracée donc le cheminement est assez aisé même si il faut rester très attentif. A nous trois, nous avons parcouru pas mal de courses d'arête. Celle du Palu est indéniablement une des plus belles  que nous ayons traversé dans les Alpes. Elle nous rappelle peut être Bionnassay. Il est 17H lorsque nous parvenons à l'extrémité Est de l'arête du Palu.  Nous enlevons les campons, chaussons les skis et nous lançons dans la descente raide et délicate du glacier du Palu (photos ci dessous). Heureusement que les traces de montée sur le glacier nous aident à nous frayer un chemin dans le dédale indescriptible de ce  glacier crevassé et complexe.

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Certaines cathédrales de glaces sont impressionnantes et font frémir quand on les approche! De temps en temps, nous avons l'impression d'être purement et simplement dévorés par  les entrailles du glacier en pénétrant dans des crevasses beantes pour en ressortir un peu plus loin.  Certains passage necessitent que nous ressortions nos piolets, certains ponts de neige  semblent si fins que nous les traversons le  plus vite possible pour bénéficier de notre cinétique. Ils n'inspirent  vraiment pas confiance ... mais nous passons quand même.  La descente du glacier s'achève vers 2700m altitude à laquelle nous entamons la remontée de 250m  vers la Diavolezza ou est situé notre refuge.  La dernière ascension de cette journée nous semble longue et pénible  après cette très longue journée intense. Nous arrivons juste  assez tôt pour pouvoir diner au refuge. La site est magnifique mais le refuge est moderne et sans intéret. Les images de cette journée exceptionnelle se téléscopent dans nos têtes. La nuit sera peuplée d'étoiles. 

 

J6  Divolezza - Chamana Tschierva  (D+ 1200 D- 1500)

Le refuge de la Diavolezza s'apparente plutôt à un hotel qu'à un refuge ce qui ne nous plait guère mais l'emplacement est absolument somptueux face au gigantesque cirque du Paluet de la Bernina que nous avons parcouru hier. Au réveil, la lumière du levant caresse délicatement de ses rayons rosés les faces nord du Palu et de la Bernina et irise la mer de nuages qui semble couler vers les Dolomites de Brenta .  La journée d'aujourd'hui est beaucoup moins ambitieuse que celle d'hier et nous incite à  trainer  pour nous préparer.  C'est une erreur que nous payerons plus tard dans la qualité de la neige  et les risques quez nous prendrons. Nous ne partons qu'à 9H après avoir largement petit déjeuner et admiré le paysage époustaouflant qui se déploie devant nous.  

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Nous commencons par redescendre du sommet de la Diavolezza vers le glacier de Pers que nous devons suivre  jusqu'a 2300m. Le démarrage est un peu chaotique car Jean Luc est un peu malade en ce début de journée, ce qui retarde encore le groupe.  Il est 10H quand nous sommes pleinement opérationnels sur le glacier de Pers. Il convient d'être attentif car le glacier est piegeux et crevassé.  Parvenu à la jonction avec le glacier de Morteresch, nous quittons le lit du glacier pour nous diriger plein Ouest vers la Chamana di Boval puis les crêtes beaucoup plus haut qui dominent le glacier. 

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La neige est déjà bien  transformée par le soleil dans ces pentes orientées à l'est. Nous  peinons pour faire la trace. Jean Luc et Nicolas sont en petite forme et la chaleur rend la marche pénible. La motivation manque pour cette ascension commencée trop tard.  C'est au mental que nous terminons la montée vers la Fuorcla Misaun.  Nous devons d'abord traverser des pentes abruptes et assez dangereuses puis rejoindre une écharpe de neige exposée qu'il faut longer pour atteindre  le couloir final d'accès au col. Le final est raide et necessite de chausser les crampons. 

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De l'autre coté du col, pas un brin de neige sur les rochers escarpés orientés au sud ouest que nous devons redescendre pour rejoindre le glacier de Misaun. Après quelques minutes d'inquiétude pour identifier l'itinéraire d'accès au glacier, nous découvrons une corde fixe qui nous permet de descendre facilement. Nous remontons ce glacier suspendu jusqu'à un petit col sous le pic Tschiervia (3550m) qui nous permet  de basculer facilement versant sud sur le glacier de Tschiervia. La baisse de moral est passée. Nous sommes heureux d'être la haut dans cette montagne totalement vide pour l'avant dernière étape de notre  traversée exceptionnelle.  

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Lorsque nous arrivons au col à plus de 3400m, nous découvrons de l'autre coté une pente raide et  mal enneigée  qui nous permet à peine de redescendre à ski. C'est incroyable à cette altitude pour un 20 avril ! Tant bien que mal, nous parvenons à nous frayer un chemin entre les rochers et à descendre sans trop de touchettes jusque sur le glacier (photo ci dessous à G) .  La descente est bonne  ensuite jusqu'à 2800 m environ puis de plus en plus chaotique. Nous devons déchausser vers 2700m. Encore 150m pour accéder au refuge. 

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Pas de chemin pour accéder au refuge. Nous nous orientons avec peine dans ce relief très complexe avec des barres  rocheuses partout.  Nous devons traverser un ou deux torrents, des ravines profondes,  rechausser pour ne pas trop s'enfoncer, déchausser, rechausser avant d'arriver enfin au refuge de Tschierva, joliement situé sur le haut d'une moraine du glacier à 2600m d'amltitude.

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La vue sur le versant Ouest de la Bernina, du Piz Roseg  et du Piz Gluschaint est impressionnante. Vers la vallée on voit se déployer l'immense vallon du Roseg dominé par  le Piz Corvatsch  que nous allons redescendre demain.  Belle ambiance ! Le refuge principal est  fermé et  nous nous installons dans  le petit refuge d'hiver situé dans le "basement" de la cabane avec 6 couchettes, un poele et du bois. Il y a même une arrivée d'eau de fonte qui nous évite d'avoir à faire fondre la neige.  On peut même se laver !  La dernière nuit  sera belle et douce. La vue est grandiose.  On sent dans la lumière du couchant  que le temps est en train de changer. Demain il fera gris ! Nous préparons notre repas juste après  le coucher du soleil alors que le froid se mat à pincer.  Le ronronnement du réchaud chante dans le refuge éclairé  par nos petites bougies et le faisceau eratique des lampes frontales.  Nous aimons ces petits refuges non gardés, sommaires, exigents, isolés. Nous nous y sentons bien. Ils sont dans l'esprit de notre Grande Traversée des Alpes.  Nous les recherchons dans nos itinéraires. Ils nous ressemblent.  La soupe et les pâtes ce soir auront  un  parfum particulier, celui de la fin de la GTA8. 

 

J7  Tschierva - Pontresina (D- 800)

Comme prévu le ciel est gris au petit matin lorsque nous nous réveillons.  Il fait froid dans le refuge car le poele est éteint depuis le milieu de la nuit. Nous quittons le refuge vers 7H  après l'avoir soigneusement rangé et fait nos sacs une dernière fois. La météo est décidément idéale pour cette traversée et la grisaille de ce matin donne du sens à la fin de notre traversée. Nous quittons la haute montagne rude et exigente, nous quittons la grande solitude  pour redescendre vers l'Engadine touristique et opulente. 

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Lorsque nous arrivons au porte du vallon du Roseg (photo ci dessus à droite),  l'impression d'espace est saisissante, comme si nous nous trouvions  en Scandinavie tant les dimensions de cette vallée glacière sont igrandes avec de petits arbustes qui font penser à la toundra des contrées du grand nord. Il n'y a aucune trace de vie  à cette époque d'intersaison. C'est une belle fin de raid ! 

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Après les dernières pentes, nous devons chercher les meilleurs passages pour continuer à glisser dans ce fond de vallée glacière presque plat. Chaque langue de neige est exploitée pour glisser et glisser encore vers la fin de notre raid comme on boirait les dernières gouttes d'un brevage délicieux. Elles nous permettent de continuer assez loin, et d'atteindre  les abords de l'hotel refuge du Roseg où nous devons dechausser et ranger les skis.  Il y a  de la fumée qui sort de la cheminée signe que le refuge est ouvert. En hiver le lieu est très prisé, accessible en traineaux tirés par des chevaux pour les riches touristes de la région de Saint Moritz.

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Nous descendons  ce vallon bucolique sur un chemin agréable. Cette marche terminale  est pour nous comme un sas qui nous permet de  revenir vers le monde réel après une semaine en apesanteur. Les sacs se sont allégés au fil de la traversée.  Ils ne pèsent plus guère sur nos épaules à moins que nous n'ayons pas vraiment envie de les enlever.  La fin du chemin  longe la voie ferrée que nous devons  emprunter pour retourner à notre point de départ. Nous prenons des billets combinés de train et de bus à la gare pour rentrer vers Saint Moritz et Chiarella   Le train sera à l'heure bien sûr car nous sommes en Suisse. La GTA8 est  désormais vraiment terminée.

Nous avons à peu près réalisé l'itinéraire que nous avions prévu de  faire en traversant  les massifs de la "Disgrâce" et de la "Bernina"d'Ouest en Est . C'est une  satisfaction intime et discrète !  Notre raid  fut grandiose, difficile, physiquement et mentalement. Ce fut un  beau  voyage à trois  pendant  7 jours,  un moment  suspendu, une étape de plus dans notre Grande Traversée des Alpes, une magnifique, excitante et inutile conquête ! Vive la GTA 8, vivement  la GTA 9 en 2023  vers l'Arlberg, let le Tyrol autrichiens.

 

 

 

 

 

 

Commentaires

  • Lavenir Marion
    • 1. Lavenir Marion Le 26/06/2022
    Merveilleux à lire, aussi. Un véritable exercice d’écriture !

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