Méditation autour de la GTA
Grande traversée des Alpes 2024
En mouvement, en marche, les idées changent, deviennent plus aigües, cela est connu depuis les philosophes grecques.
Alors parmi quelques réflexions qui occupent l’esprit pendant les longues montées, j’en partagent quelques-unes venues avec l’air cristallin du Tyrol et la griserie de l’action.
L’expérience du voyage
Pourquoi allez en montagne « si loin » alors que l’on en a de très belles (et vastes) près de chez soi ?
Cela me fait l’effet comme lorsque l’on a de nouvelles connaissances, on peut les inviter chez soi pour être à domicile, mais l’on aura moins de sujets d’étonnement et de découverte que si on goutait leur cuisine ou voyait leurs livres, leur jardin ou leurs enfants…
Aller à l’autre bout des Alpes (qui n’est pas l’autre bout du monde) c’est déplacer nos questions et nos étonnements. La végétation est presque la même, la faune est presque la même, les caractères des habitants sont presque les mêmes, mais on a l’impression de traditions et d’environnement mieux gardées malgré le poids de l’histoire de ces régions. Notre attention et notre inspiration sont renouvelées.
Il faut respecter le matériel.
Je suis parfois songeur dans de longues traversées sur l’apport important (vrai à chaque époque si l’on pense à Léon Zwingelstein) du matériel et de l’équipement du skieur moderne. En particulier les skis, A peine 1kg à chaque pied aujourd’hui, qui permettent de progresser au moins 2 fois plus vite que sans. S’ils cassent l’étape prévue change complètement.
La Cartographie et orientation sur smartphone peut être trompeuse, car on zoome et on dézoome constamment, et une insidieuse confusion peut se glisser sur la notion de distances. La nostalgie des grandes cartes papiers revient mais la facilité du numérique l’emporte….
Les traces de montée dans les montagnes l’hiver sont chargées de signification.
Quand on suit une trace qui est faite par son groupe, c’est la marque qu’ils ont effectué les mêmes gestes, on éprouve un sentiment d’appartenance. On peut déceler l’effort, selon la profondeur dans la neige épaisse ou la marque de couteau sur la neige dure, une hésitation ou une assurance selon la courbe du tracé, un état de forme du premier selon la pente de cette trace
A l’opposé, quand on crée la trace sur un espace vierge, on pense aussi au groupe, mais on peut avoir une griserie de fouler comme « au premier matin du monde » et ainsi alléger la fatigue. Rechercher une trajectoire qui monte progressivement en épousant le relief.
Le climat à l’Est des Alpes est différent ! Le K° continental fait que la limite de végétation (arbres) dépasse souvent les 2100m. quelques espèces d’arbres résineux sont différentes ; les fameux pins noires d’Autriche sont des balises irréductibles, fidèles et élégantes de ces belles contrées.
L’engagement, est une dimension importante des raids en hivers. Que met-on comme signification pour ce mot un peu valise ? c’est dans le cas de la montagne une action dans la durée, en autonomie ET dans des endroits reculés. cela nous met dans une situation d’expérience radicale et (comme l’a décrit le philosophe G. Bataille) contribue à nous connaitre, à nous révéler.
Qu’est-ce que la recherche de vallées sauvages dit de nous ? misanthrope ou recherche de l’autonomie, de l’évasion ? nous cherchons encore….
Parfois, en se retournant sur ces étapes accomplies, on est traversé par des vagues de satisfactions en pensant à ces pas mis les uns après les autres, qui constituent ensemble quelque chose de plus grand que soit, plus grand que la somme des montées et des descentes.
Entre le point de départ et le point d’arrivée, il y a eu quantités d’émotions, de choix, de décisions, d’avancées, d’arrêts, de replis, de détours, de doutes qui ont fait la saveur de cette AVENTURE.
Des tranches de vie !
TB
Ajouter un commentaire