Etape9 : Davos - Sölden

La 9ième étape de notre Grande Traversée des Alpes s'est déroulée du 24 mars au 1er avril 2023 sur la crête frontière entre  la Suisse Orientale, le SüdTyrol italien  et l'Arlberg  autrichien. Nous avons traversé  d'Ouest en Est les  massifs  de la Silvretta et des Öztaler Alpen. Les médiocres conditions météo rencontrées ont largement durci le raid  avec beaucoup de vent, de mauvais temps  et de brouillard tout au long de la traversée.  Nous avons continuellement du adapter l'itinéraire pour finalement réaliser  un raid de 109 km et 8500m de dénivellée en 8 étapes dont une étape de contournement par la station de Ischgl dans la tempête. 

 Les massifs de la Silvretta et de l'Öztal sont  particulièrement propices au ski de montagne  avec leurs  grands glaciers , leurs sommets accessibles et leurs refuges confortables. Nous avons été frappés par la faible quantité de neige accumulée en altitude et la fonte saisissante des glaciers au vu des photos  placardées partout sur les murs des refuges telles des larmes de papier, souvenirs nostalgiques d'un monde en train de disparaître. Petit clin d'oeil historique, et conséquence de cette fonte des glaciers,  c'est en Öztal, près du Silmilaun sur l'arête du Hauslabjoch  à 3250m d'altitude  que furent retrouvés  en 1991  les restes du fameux chasseur Özti, congelé presque intact dans les glaces il y a 5300 ans. et exposé au musée de Bolzano.  Nous sommes passés tout près.

En mettant le pied en Autriche au deuxième jour de cette GTA9,  nous avons réalisé le chemin parcouru depuis le départ de notre traversée à Nice en 2014, impressionnés avec le recul par les dimensions  de cet arc alpin gigantesque et par l'ampleur de ce raid.  Quelle épopée ... à notre échelle !

Le trajet  pour arriver au point de départ de notre GTA9 à Davos avait été un peu  épique cette année à cause des grèves de la SNCF en France qui avaient obligé Nicolas à rejoindre les Alpes  depuis la Bretagne en voiture (!!!)  à cause de trains annulés à la dernière minute  et Jean-Luc à jongler avec le bon vouloir et la mauvaise foi des employés des chemins de fer français pour arriver depuis Paris. Nous nous sommes finalement retrouvés à Saint Gervais le 23 mars au soir chez Jean-Luc avant de rejoindre Chur dans les Grisons en voiture, puis Davos en train pour un départ effectif  depuis le petit hameau de Monbiel.  Outre la fatigue d'un voyage un peu éprouvant, la pluie nous avait accompagnés tout le long du trajet  jusqu'à Davos , ce qui avait légèrement entamé notre moral au moment de démarrer ce raid.  Les prévisions météo pour la semaine à venir s'annoncaient  médiocres..... Nous savions à quoi nous en tenir ! 

J1 : Monbiel - Silvretta Hütte  D+1300 D-200

Comme par miracle, la pluie s'est arrêtée au moment où le bus postal nous a déposé au parking de Monbiel.  C'est un petit plaisir auquel nous ne croyions plus que  de pouvoir finaliser les préparatifs  et débuter notre raid  au sec. Nous procédons aux derniers échanges de matériel commun, vérifions le rangement de chaque chose,  bouclons méticuleusement nos sacs avant de fixer  les skis dessus car il n'y a pas un gramme de neige à Monbiel. Nous partons à pied en voyant au loin les névés  sur les premiers sommets de la Silvretta, sans trop savoir dans combien de temps (et de kilomètres) nous pourrons chausser les skis. Le GPS indique que Silvretta hütte où nous allons dormir ce soir est à plus de 13km  avec 1300m d'ascension à venir ! Il est 14H.... La GTA9 peut commencer. 

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Nous débutons à pied sur une petite route réservée aux promeneurs qui longe le fond d'un vallon bucolique comme on ne les trouve qu'en Suisse. Nous avons un peu l'impression de rentrer dans le cadre d'une image d'Epinal:  des paturages impeccables, gras,  à l'herbe soyeuse d'un vert de carte postale, des vaches en habits de fête rassemblées en un troupeau musical improvisé de clarines, des abreuvoirs en bois sculpté alimentés par le chant de l'eau claire,  des minuscules mazures en méléze vielli par les siècles délicatement posés à flanc de  montagne, des  sapins magnifiques, fiers  et immobiles, comme  s'ils se tenaient au garde à vous pour saluer notre passage, un torrent bouillonnant de vie et d'écume hurlant doucement dans le fond du vallon  et au loin,  les sommets blancs  et brumeux de la Silvretta aparaissant comme dans un songe.  Nous marchons en silence  malgré le poid de notre arnachement, presque avec precaution pour ne pas dépareiller ce paysage idéal et tenter de nous faire accepter dans ce lieu hors du temps ! 

Arrivés au bout du chemin carrossable, nous trouvons versant nord quelques langues de neige mouillée sur lesquelles nous parvenons tant bien que mal à chausser les skis en zigzagant entre les pierres et les arbustes. Il fait doux et humide.  Nous croisons  les derniers promeneurs qui nous regardent avec nos énormes sacs d'un oeil curieux  puis  nous engageons dans la forêt raide pour parvenir  un peu plus plus haut dans la deuxième partie du vallon, lui enneigé, qui nous mène au pied de l' ascension principale de la journée. Arrivés à l'altitude de 1700m alors qu'il nous reste encore 800m d'ascension et que l'après midi avance un peu  trop vite, nous sommes rattrapés par le mauvais temps et  la pluie. Une désagréable pluie  qui s'insinue partout avec malice. Nous nous sentons démunis  face à la douceur  ambiante et à l'eau qui humidifie tout en profondeur.   Que la montagne est triste sous la pluie en hiver !    

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Nous devons remettre les skis sur les sacs pour s'engager à pied   dans des pentes  raides, déneigées  et peu engageantes.  La pluie battante se transforme progressivement en neige mouillée puis en gros flocons qui s'accrochent aux vêtements , aux cheveux et aux skis.  Le brouillard monte à mesure que le jour baisse et que nous gagnons en altitude.  L'air se refaraichit et l'atmosphère devient franchement hivernale. Nous rechaussons les skis. Nos habits imbibés par la pluie gèlent peu à peu avec  le froid du soir qui tombe.  Nous retardons  au maximum le moment de sortir les lampes frontales, probablement pour repousser inconsciemment le moment d'accepter de plonger dans cette nuit sans lune.  Nous n'avions pas prévu d'arriver aussi tard au refuge!  Les faisceaux de nos lampes  amplifient  la danse des flocons fous dans la nuit qui s'écrasent sur nos visages.   La neige fraichement tombée botte  terriblement sous les peaux de phoque encore trempées par  la pluie de l'après midi. La marche est rendue difficile par ces paquets de neige collées sous les ski tels des boulets aux pieds qui pèsent des tonnes à chaque pas (voir photo ci dessous à Droite). Nous avons beau taper les skis  l'un contre l'autre et essayer de les farter  pour decoller la neige .... c'est peine perdu !   Le combat est inégal. 

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Nous finissons enfin par atteindre  le col  à  l'altitude de 2500m vers 19H45 dans une nuit noire sans  aucun repère visuel.  Il faut desormais basculer  plein sud vers le refuge dans une combe probablement facile à trouver en plein jour, beaucoup moins dans ces conditions . L'orientation est difficile car l'obscurité est totale! La neige tombe toujours et le brouillard ajoute un voile étrange à cette ambiance fantasmatique. Dans ces moments où l'esprit peut s'égarer un peu, la vieille boussole rassurante est précieuse car elle permet de confirmer 'mécaniquement'  les informations de notre GPS 'électronique'.  Nous essayons de suivre ce qui semble être d'anciennes traces recouvertes par la neige ..... Les marques  des lumières des frontales dessinent un tableau éphémère étrange dans le noir et le blanc de la nuit floconneuse.  Après une demi heure de descente à taton, d'hésitations, d'aller et de retour, nous finissons par apercevoir  avec un certain soulagement la lueur d'une  des fenêtres  de la cabane  derrière un éperon qui la cachait malicieusement jusqu'au tout dernier moment. 

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Nous avions  appelé le refuge dans l'après midi   pour prévenir de notre arrivée tardive!  (vers 19H avions nous dit !!!!). Au vu de  l'heure et du mauvais temps, le gardien commencait  malgré tout à s'inquiéter lorsque  nous  poussons la porte du refuge à 20H30 ! J'aime l'idée de cette inquiétude du gardien, preuve vivante de la solidarité montagnarde et de notre "devoir" mutuel d'assistance et d'entr aide .... bien loin de l'indifférence rencontrée si fréquemment dans nos vies. La cabane est chaleureuse, accueillante,  en bois ancien décoré.   Malgré l'heure tardive,  le gardien  nous sert  à  diner  avec le sourire ce qui a pour effet de nous réconcilier avec l'image stéréotypée des refuges suisses parfois trop rigides sur les horaires et de remonter notre moral en berne après cette interminable journée humide, austère et fatigante. Il faut désormais mettre nos affaires trempées et gelées  à  sécher  à coté du poele avant d'aller nous coucher  pour récupérer.   Les prévisions méteo sont mauvaises pour les jours à venir !!

J2 Silvretta hütte - Wiesbadener hütte (D+1100 D-1200)

Au matin de J2,  le brouillard enveloppe le refuge, la neige tombe toujours  et le vent souffle de l'Ouest.  Ce n'est guère engageant en pensant à l'itinéraire du jour , aux glaciers crevassés à traverser et aux ascensions prévues du Silvretta horn et du Piz Buin.   Nous échangeons  sur la quantité de neige  tombée depuis hier ?  à 2500 ? à 3000 ?  sur l'impact  du vent sur le manteau neigeux ? sur l'état des arêtes?  Au réveil, nous vérifions avec une certaine inquiétude l'état de nos chaussures détrempées par la  pluie de la veille. Heureusement elles sont "presque sèches"....  La nuit aura été réparatrice pour nous et pour notre matériel. Quel confort dans ce  refuge ! Quelle douceur enveloppante ! Quel contraste avec l'ambiance dehors ! Cela  rend le départ dans le grand blanc d'autant plus difficile au moment de s'en extraire. Nous aurons plus tard dans le raid entre nous une discussion animée sur le thème de l'impact du confort sur l'engagement  et sur nos choix en montagne ..... notamment lorsque nous aurons à décider sur des options d'itinéraire  plus ou moins difficiles ou de nous engager  dans certains passages délicats .... et que nous renoncerons. C'est un débat qui dépasse en fait le cadre de la montagne et de l'alpinisme .... Le confort quand il s'installe et s'ancre dans l'habitude est il un frein à la prise de risque et à l'initiative créatrice ? Probablement .....

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Assez rapidement après notre départ du refuge, les nuages se déchirent pour laisser  place à quelques  belles éclaircies de courte durée. Pour la première fois du raid nous apercevons les  sommets de la Silvretta émergeants élégamment de la brume alors que nous  croisons les premiers séracs du Silvretta Gletscher. La pente se redresse alors que le brouillard et la neige nous enveloppent à nouveau. Nous  navigons au GPS et à la boussole sur ce grand glacier sans trace.  Dans les pentes finales vers le Silvretta pass, une tentative de Thierry puis de jean-Luc se soldent par deux échecs dans un passage exposé avec des plaques  au dessus de grosses crevasses béantes.... Guère envie de finir dedans!   

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Nous renoncons et  décidons de redescendre un peu et de  changer d'itinéraire vers un autre col sous le Egghorn plus au sud  qui  pourrait  peut être passer.  Nous ne voyons pas à 3 mètres  et devons zigzager entre les lèvres des crevasses pour nous frayer un chemin vers la pente sommitale un peu délicate du  Egghornpass  que nous parvenons à franchir. La neige  tombe à gros flocons et recommence à botter sous nos skis ! Arrivé sur la crête à 3250m dans un brouillard épais, nous prenons particulièrement garde aux corniches versant Est avant de basculer dans une grande pente raide  sans aucune visibilité avec de grosses accumulations  de neige. C'est assez impressionnant  et nous descendons  avec énormément de précaution! On sonde la neige tous les 3m ! Nous nous suivons à distance tout  en  nous appliquant à rester scrupuleusement sur la trace GPS que nous avons préparée car il y a des séracs piégeux  qu'il faut absolument éviter. Arrivés sans encombre à la jonction du Ochsentaler gletscher, constatant la météo qui ne s'améliore pas du tout, nous renoncons à l'ascension du  Piz Buin que nous voulions gravir et descendons  directement sur le glacier en direction du fond de la vallée. 

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Malgré la poudreuse de rêve sous nos skis, nous n'en profitons pas du tout  car la visibilité est presque nulle. Arrivé à 2300m après une descente chaotique et  pénible nous remettons les peaux de phoques  pour rejoindre Wiesbadener hütte que nous atteignons vers 16H dans de fortes bourasques de neige. Le refuge est grand, confortable, sans grand charme, un des refuges les plus courus de la Silvretta.  Ce n'est pas exactement le style de cabane que nous aimons ni ce que nous recherchons en montagne car il y a foule, une foule bigarée, joyeuse, bruyante .... mais sa chaleur est bienvenue malgré tout après une journée fatigante nerveusement à scruter le blanc, à craindre les crevasses, les coulées  ou les corniches  et constamment chercher notre itinéraire dans le blizzard et le brouillard. 

J3 Wiesbadener hütte - Heidelberger hütte  (D+ 1300m D-1200m)

Wiesbadener hütte est un refuge facilement accessible depuis la vallée, au pied des sommets les plus célèbres de la Silvretta. C'est un des massifs les plus couru d'Autriche, au printemps et en été. On a  plus l'impression d'être dans un hotel d'altitude que dans un refuge. Lorsque nous partons,  le ciel est presque bleu et la visibilité est bonne  vers les sommets que nous avons traversés la veille  en plein brouillard. Nous partons plein Est  en direction de Tiroler scharte suivi par des cohortes de groupes de skieurs  de 5 ou 6 personnes qui partent faire les différents sommets qui entourent le refuge.  Nous savons  tous que le créneau de beau temps sera bref. Les prévisions annoncent déjà le retour du mauvais temps à partir de 9 ou 10H du matin. La montée est belle  et nous permet de découvrir les paysages de carte postale de la Silvretta. Cela semble tellement confortable d'avoir de la visibilité  ! C'est la première fois depuis notre départ de Davos. 

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Arrivé au Tiroler Scharte, nous avons à peine le temps de visualiser la descente  dans le grand cirque de Jamtal Gletscher que le ciel se couvre déjà et les nuages nous enveloppent. C'est dans un brouillard épais que nous descendons le glacier d'abord puis le long vallon qui nous mène jusqu'à la Jamtal hütte.  Il convient d'être très attentif car il y a pas mal de crevasses un peu partout.  Le vent efface les traces en quelques minutes ce qui rend l'orientation complexe malgré l'apparente simplicté du relief . La Jamtal hütte est une énorme batisse  grise peu engageante de l'extérieur flanquée d'une petite chapelle qui regarde la montagne.  Nous ne rentrons pas  et continuons notre chemin plein est vers la Zahn spitze  dans une ambiance de plus en plus hivernale. Le chemin est encore long  pour rejoindre notre refuge de ce soir ! 

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Après une bonne heure de montée, nous nous arrêtons pour un bref déjeuner à l'abris du vent à coté d'une minuscule cabane construite dans l'enfractuosité d'un rocher (Photo ci dessous à G). L'ambiance est uniformément blanche, ce qui nous fait penser irrésistiblement au dernier bouquin de S Tesson, BLANC.  Comme le décrit  si bien Tesson, ici le ciel se confond avec la neige  et réciproquement. Nos pensées se perdent  dans l'infini du blanc ouaté qui nous entoure et nous enveloppe. En reprenant la marche  au fond du vallon  après notre courte pause nous avons l'impression de complètement perdre nos repères qu'ils soient  visuels, auditifs, ou olfactifs . Ce  que nous pensions être d'anciennes traces que nous suivions de loin en loin s'évanouissent mystérieusement pour ne laisser place qu'à un immense écran blanc , devant, derrière dessous, dessus, à droite à gauche ....! Les rochers qu'on entraperçoit parfois et qu'on utilise comme amer lointain pour suivre un cap  sont en fait tout près de nous.  Nous ne sentons  plus rien que l'odeur du  blanc et du froid qui picotent nos narines, et n'entendons plus que le silence étourdissant autour de nous accentué par le vent lancinant et le murmure des flocons tombant  sur nos visages .

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Nous sommes seuls dans un  monde sans bruit, sans relief, sans odeur, indéfini, incertain, uniformément  blanc. Heureusement pour nous, la boussole insensible aux éléments, indique l'azimuth à suivre et ne se laisse pas influencer par ce blanc étourdissant.  Nous la suivons aveuglément. L'altimètre monte doucement au gré des pas qui s'égrainent.   Nous renoncons la ZahnSpitze  que nous voulions  gravir car les pentes d'accès nous semblent bien raides dans de telles conditions et poursuivons dans le vallon jusqu'au sommet du Kronenjoch à 3099m, ce qui rallonge notablement notre étape.  La suite demande pas mal d'efforts d'orientation avec le mauvais temps qui ne nous quitte pas et beaucoup d'attention  dans la longue descente vers Heidelberger hütte: quelques parties sont raides piégeuses  instables et d'autres sont si peu pentues qu'il  faut marcher dans la poudreuse qui  glisse mal.

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L'approche n'en finit pas. Nous devons  remonter un peu, partir à flanc, éviter les coulées, marcher encore .... remonter encore un peu ....  s'orienter,  hésiter, continuer, se tromper, rebrousser chemin avant  enfin  de distinguer au loin la silhouette massive de  Heidelberger hütte que nous rejoignons  juste à temps pour le diner. Le refuge est grand, très grand  .... et plein, très plein  !  Avant de pouvoir obtenir nos places dans le  dortoir et  nous installer à table,  nous devons encore faire la queue pour  passer par un exercice obligatoire qui nous semble bien curieux : donner nos sacs à viande à désinfecter dans le micro onde du refuge (sic !) à cause du COVID, démarche un peu  étrange  quand on voit les gens serrés les uns contre les autres  sans aucune précaution dans la salle du repas du refuge.  Avec le COVID, on n'est plus à un paradoxe près ! 30 secondes dans le micro onde .... ca donne bonne conscience ! 

J4 Heidelberger hütte - Melago (D+100m, D-1100m)

Au réveil, le vent fait rage et il neige abondamment. Les prévisions météo sont très mauvaises pour la journée : neige continue, brouillard  et très fortes rafales de vent sur les crêtes. Ces infos connues depuis la veille au soir, nous ont travaillés pendant toute la nuit ! L'itinéraire prévu vers Samnaun nous oblige à passer plusieurs cols dont une crête délicate suivi d' une  longue descente raide exposée  nord  probablement assez risquée avec la  neige tombée soufflée par le vent et l'absence de visibilité.  L'idée de passer une journée dans la tempête et le blanc complet a suivre une trace GPS et notre boussole  dans un terrain très exposé ne nous emballe pas! C'est peu dire.  Après discussion et travail sur des solutions alternatives, nous décidons de prendre une option beaucoup plus sure en contournant ces cols  par le nord en suivant  un très long vallon de près de 15km qui nous permet de rejoindre les pistes de la station de Ischgl, puis de la de nous débrouiller pour rejoindre  Melago en Italie dans le SüdTyrol en contournant le massif....

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Le temps de prendre une photo souvenir devant Heidelberger Hütte, nous sommes les premiers à partir du refuge dans le grand Blanc.  Les guides autrichiens présent au refuge sont manifestement très très prudents avec leurs groupes au vu des conditions meteo, beaucoup s'apprêtant probablement  à passer la journée au refuge, d'autres à faire des ronds dans l'éau !  Nous partons plein nord dans  un très long vallon qui descend tout doucement vers la vallée de Trisanna et la station de Ischgl .  Cette descente  qui doit certainement se faire rapidement et sans effort  sur neige dure ou glacée  est une tout autre affaire dans 30cm de neige fraiche poudreuse sans trace qui ne glisse pas. Nous marchons comme des tortues égarées dans le brouillard à un rythme désespérément lent (Photo de D ci dessus) .  Pour casser la monotonie de cette longue marche nous en profitons  pour faire un  exercice de recherche avec nos ARVA, notamment dans le cas de victimes multiple. Toujours utile !

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Le chemin  rejoint  la forêt et  serpente joliment  le long du torrent. Tout est léché  dans cette Autriche proprette, même les sapins et les torrents semblent sortis d'un conte d'Andersen ou d'un livre de Heidi ! Nous passons devant une petite chapelle charmante avant de rejoindre les pistes de ski de Ischgl, à moitié fermées pour cause de mauvais temps et de risques d'avalanche.  On entend au loin les explosions des pisteurs qui tentent de faire partir les coulées. Cette descente n'en finit pas. Les pistes de la station nous permettent de descendre jusqu'en bas sans problème. Arrivé à Ischgl,  station huppée du Tyrol autrichien,  nous  nous dirigeons immédiatement vers l'office du tourisme pour trouver  notre itinéraire vers l'Italie. Nous prenons un pique nique rapide en attendant d'attraper un premier bus vers le  point frontière entre l'Autriche, la Suisse et l'Italie, puis un deuxième en Italie qui nous amène  jusqu'à la petite auberge que nous avons réservée au fond de la vallée de Melago.  Beaucoup de kilomètres parcourus aujourd'hui, à skis d'abord puis en bus pour contouner le massif que nous avions prévu de traverser ! Heureusement  que l'organisation des transports en Suisse, en Autriche et dans le Süd Tyrol est impeccable et parfaitement coordonnée. 

 

J5 Mélago - Hochjoch Hospiz (D+ 1800m D- 1200m)

Levé 5H30 dans l'hotel encore assoupi pour attraper à 6H30 le premier bus vers Melago. Les prévisions meteo sont bonnes pour cette très longue journée  qui est  une étape charnière  dans la perspective de la suite de la traversée. Elle nous permettra de basculer de l' extrème Est de la Silvretta jusque dans le coeur de l'Öztal en traversant le sommet du Weisskugel à 3750m. Lorsque le bus nous dépose à Melago, le hameau est  encore totalement désert et le ciel peu engageant!  Il a manifestement beaucoup  moins neigé en Öztal qu'en Silvretta, ce qui est  habituel semble t'il. Nous pouvons quand même chausser les skis dès le départ  à la sortie de Melago en longeant d'abord la piste de ski de fond  puis en s' effonçant à travers la forêt .

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Après avoir évité un premier verrou dans la vallée en montant  assez haut le long de la moraine en rive gauche, nous rebasculons dans le fond du vallon dans des pentes avalancheuses  (Photo ci dessus à D) pour atteindre un deuxième verrou  que nous surmontons et qui nous permet de mettre le pied sur le glacier du Weisskugel.  L'itinéraire n'est pas évident; heureusement que le temps est clair ! Le début du glacier est dominé par d'énormes séracs qui descendent de la Weisspitze. Nous restons en retrait pour éviter ces monstres endormis qui ne demandent qu'à tomber et nous élevons sur ce beau glacier vierge de toute trace.

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Après  le coude du glacier, nous nous orientons plein ouest vers la brèche et le sommet du Weisskugel.  L'ambiance est tout à fait grandiose au milieu du cirque glacière du Langtauferer ferner. Des morceaux de séracs tombés sur le glacier  et recouverts de neige forment des sculptures naturelles remarquables. Nous  nous arrêtons pour les admirer et les photographier.  Nous évitons une première zone très crevassée en restant rive droite puis une deuxième avant la pente sommitale en partant droit vers le sommet.  Nous sommes seuls au monde dans cet espace immense. Faire notre trace dans un tel cadre vierge nous donne une  impression de liberté à nulle autre pareil.  C'est pour des moments comme ceux la que nous partons en raid de ski alpinisme et que nous acceptons les contraintes d'autres plus austères et difficiles!

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Parvenus sur la crête du Weisskugel en ordre dispersé, nous basculons rapidement   versant sud pour se protéger du vent. La fatigue se fait sentir après plus de 1500m de montée. La vue est belle vers  l'est : le Similaun, les Stubaier Alpen et plus loin le massif des Hohentauern et le Grossvenediger.  Vers l'ouest on distingue les sommets de la SIlvretta que nous avons quittés la veille.  Après une brève désescalade, nous mettons le pied sur  le  Hitereisferner, vaste fleuve de glace d'apparence assez débonnaire que nous devons descendre  jusqu' à  sa chute avant de  poursuivre dans le vallon jusqu'à l'altitude de 2300m. Il nous faudra ensuite  remonter versant ouest vers le Hochjoch hospiz pour  y passer la nuit. Il n'y a aucune trace sur cet immense glacier ! Nous nous sentons si petits ! 

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Les premières pentes nous permettent  d'improviser  de grandes courbes sinusoidales qui se répondent l'une l'autre dans le cadre féerique de cet espace immaculé. Les distances sont grandes pour rejoindre le bas du glacier et atteindre  le vallon qui lui fait suite.  L'épaisseur de neige accumulée est clairement déficitaire  sur ce versant oriental de l'Öztal et  ne nous permet  que difficilement de descendre à ski  jusqu'au pied du refuge après la fin du glacier . En traversant un pont de neige trop fragile au dessus du torrent, il craque et Thierry fait une mauvaise chute et se retrouve  coincé  dans la rivière les pieds dans l'eau.  Nicolas l'aide à sortir de cette mauvaise posture. Juste après cet épisode heureusement sans gravité, nous devons remettre les skis sur les sacs pour monter vers  le refuge car les pentes versant Ouest sont presque complètement déneigés entre 2000 et 2500m. 

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Cette  dernière montée nous semble  rude après la longue journée. La cabane  de Hochjoch Hospiz est  chaleureuse et accueillante,  beaucoup plus que les immenses refuges que nous avons croisés en Silvretta. Ce lieu n'a rien d'un ancien hospice contrairement à ce que pourrait laisser supposer son nom bien que l'installation d'une cabane en ce lieu date de 1880 et qu'il soit depuis détenu par la même famille qui l'xploite avec passion et  constance. Il y a peu de monde dans le refuge , probablement à cause de la mauvaise météo des jours prochains.  Nous disposons même d'une chambre  pour nous seuls. Un vrai luxe ! Pour la première fois de notre raid, nous sommes gratifiés d'un  coucher de soleil sur les sommets autour du refuge . L'Hauslabkugel, sommet que nous avons prévu de  gravir le lendemain  (photo ci dessus à D)  accroche les derniers  rayons. Au loin on distigue  aussi les sommets des Stubaier Alpen qui s'éteignent doucement.  Sur les altimètres, nous voyons la pression de l'altimètre baisser d'heure en heure , ce qui annonce  un changement de temps rapide pour cette nuit.  L'épisode de beau temps n'aura duré qu'une seule journée !! 

 

J6 Hochjoch Hospiz - Similaun Hütte D+ 1200m D- 600m

Lorsque nous nous réveillons le matin, il a neigé une dizaine de cm au refuge, le ciel  est à nouveau couvert et le plafond très bas. Encore une journée dans le mauvais temps en perspective qui va nous obliger à modifier notre itinéraire, à oublier les projets de sommets que nous avions et à essayer de rallier au plus vite la Similaun Hütte accrochée à son arête  à plus de 3000m. Alors que la neige se remet à tomber au moment de quitter le refuge, nous débutons la journée  par la redescente de  la raide dernière montée que nous avions gravie la veille sur le chemin d'été  et qui est désormais  recouverte  de 10 ou 15cm de neige (photo ci dessous à G) . Trop peu de neige pour la descendre à ski; trop pour la descendre confortablement à pied !! un comble ! Nous traversons le fond de la vallée sur une passerelle métallique construite pour l'été mais butons sur une énorme congère de neige infranchissable de l'autre coté. Nous devons rebrousser chemin, descendre dans la gorge et remonter tant bien que mal en versant Est pour pouvoir s'engager dans la grande pente vers le  Hauslabjoch. Le ciel est triste. 

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Compte tenu de la météo , l'itinéraire du jour que nous avont ajuqsté est assez simple : une ascension de 1000m jusqu'à un col a priori très ouvert suivie d'une  descente un peu délicate  d'abord pleine face puis  le long d'un éperon rocheux pendant 400 ou 500m avant de remonter vers la Similaun Hütte , perchée à 3100m d'altitude. La première montée est assez soutenue dans une neige  instable bien que peu épaisse. Un vrai paradoxe pour un mois de mars ! La visibilité est de moins en moins bonne au fil des heures qui passent. Protégés par notre équipement, au milieu de ce mauvais temps hostile et monotone, chacun de nous s'enferme un peu dans le cocon de ses pensées  pour trouver un rythme et s'inventer des perspectives invisibles. La régularité  des pas cadence nos souffles et nos regards qui ont de plus en plus de mal à s'échapper du brouillard qui les enveloppe. Le mauvais temps commence à altérer notre moral et nos sens!  Jean-Luc casse une corniche invisible en faisant la trace et tombe dans un trou de neige .... sans dommage. Les conditions nous obligent  à prendre des options d'itinéraire que nous n'avions pas prévu jusqu'à l'Hauslabjoch  à 3300m dans un brouillard épais et un vent fort et froid. 

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Parvenu au col, nous négligeons l'ascension du sommet, inenvisageable  avec cette météo  et descendons immédiatement versant Est dans une ambiance très hivernale. Les pentes sous le col sont délicates et peu eneigées. Nous les passons à ski, un peu en escalier, un peu en nous engageant dans la pente. L'orientation n'est pas  simple avec ce brouillard  dans des pentes raides avec  des barres rocheuses  piégeuses . Nous oublions de regarder  la stelle marquant le lieu  de découverte des restes du chasseur Ötzi datant de 3000 ans avant JC, absorbés par notre recherche d'itinéraire.  Nous continuons à descendre en changeant d'orientation le long d'un éperon dans le blizzard pour rejoindre le pied de la  face  que nous devons remonter pour atteindre le refuge . Les pentes dans lesquelles nous skions ne sont pas très engageantes (Photo ci dessous à G)  à flanc de montagne. Nous essayons  de coller aux traces que nous avons préparées sur notre GPS pour ne pas nous faire piéger.  La dernière montée vers Similaun Hütte est courte (250m) mais raide. Un téléférique de service  a été installé coté italien pour pouvoir monter les vivres jusqu'à ce lieu difficilement accessible. L'arrivée au refuge se fait dans la tempête.  Il parait que la vue est grandiose depuis ce nid d'aigle perchée à la frontière entre l'Italie et l'Autriche ! Nous ne nous en rendons pas compte  car nous sommes ivres de brouillard et de vent. Nous avions envisagé de gravir le sommet du Similaun dans l'après midi .... mais c'est impossible avec cette météo ! Nous ne faisons que l'apercevoir depuis le refuge lors d'une courte éclaircie avant que le soleil ne se couche. 

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La Similaun hütte est un refuge moderne. En entrant, on pénètre tout de suite dans une grande et belle pièce  placée au centre du refuge et  prévue  pour y ranger  les skis, les cordes et les chaussures , passage inévitable entre le la salle à manger et les dortoirs. J'aime bien cette idée originale du matériel  de montagne au coeur du refuge.  La pièce de vie  a elle été concue avec d'immenses baies vitrées sur 2 grands cotés  qui plongent littéralement  vers  le massif du Similaun  et sur les vallées vers Sölden et vers l'Italie.  L'impression est saisissante bien que les éclaircies soient rares pour nous en rendre compte! De nombreuses photos, accrochées au mur, rappellent  ce que fut le paysage depuis ce refuge.  Nous peinons presque à imaginer le glacier tel qu'il était il y a seulement 25 ans !  Difficile aussi de se projeter dans 25 ans, et d'imaginer ce qu'il en restera  !! Nous passons la soirée à discuter de la fonte des glaciers et de la suite de notre traversée.  La mauvais temps nous pèse de plus en plus. L'itinéraire prévu pour le lendemain traverse les arêtes délicates entre la Kleinleiten Spitze et le Schalkogel à presque 3600m puis redescend sur un langue de glacier très raide vers les gorges du Gurgler Ache. La météo est  dépressionnaire  pour  les  3 jours à venir  !!! La neige tombée recemment rend le manteau neigeux très instable et masque un peu plus les crevasses  mal recouvertes par les chutes insuffisantes de l'hiver! Un vrai piège.  Nous réfléchissons à un itinéraire alternatif moins exposé .... et plus généralement aux options possible pour la fin de la traversée. 

 

J7 Similaun Hütte - Langtalereck Hütte  D+600m D-1200m

Au matin de J7, nous quittons Similaun Hütte  à nouveau sous le mauvais temps, la neige et le brouillard  sans vraiment nous rendre compte de la situation remarquable  de ce refuge perché à 3100m  d'altitude sur l'arête frontère entre l'Autriche et l'Italie.   Au moment de partir, nous sommes encore hésitant   sur notre itinéraire du jour  tant l'envie de gravir les sommets prévus est grande (Est ce que nous traversons le massif du Similaun d'Est en Ouest par les sommets ou est ce que nous les contournons par le nord ?)  et sur la suite de la traversée (Continuons  nous le raid à travers  les Stubaier Alpen  jusqu'au Brenner ou est ce que nous terminons la GTA9 demain dans le massif du Similaun ?). Le début de la descente en plein brouillard n'est guère engageante ! Nous croisons quelques groupes qui ont dormi cette nuit à Martin Busch hütte  qui montent vers Similaun Hütte en espérant peut être profiter de l' éclaircie annoncée en fin de journéee pour gravir le sommet ... ou au moins le voir. 

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Arrivés  devant le refuge de Martin Busch après 600 m de descente  (Photo ci dessus au milieu) nous faisons un point complet de la situation, notamment  avec le gardien du refuge. Il  se montre très réservé  sur notre projet d'itinéraire par les crêtes! Personne ne semble être passé par cet itinéraire depuis au moins 10 jours, l'arête finale à 3500m est  délicate, particulièrement  dans le mauvais temps et  les pentes raides avanlancheuses vers l'ouest pas encore purgées avec un cheminement complexe. Nous échangeons  tous les trois,  hésitons  longuement ... et décidons finalement de ne pas nous engager dans cette traversée du massif. Ces moments de décisions sont toujours douloureux, vécus différemment par chacun d'entre nous.  Prudence justifiée ou insuffisance d'engagement ? On ne sait jamais répondre à cette question.  Le mauvais temps que nous rencontrons presque continuellement depuis le départ de cette GTA9 nous incite  certainement à la prudence. Nous contournerons  donc ces sommets  par le Nord plutôt que de les traverser, d'abord avec la  descente du long vallon vers Vent (Photo ci dessus à D), suivie d'une  traversée en bus vers le fond de la vallée de Gurgl , puis par la remontée  de l'autre coté du massif vers Langtalereck Hütte. Satanées conditions météo qui auront  mis à mal beaucoup de nos projets cette année !! Le renoncement est toujours dure à vivre en montagne .... même si il fait partie intégrante de notre vie d'alpinistes. 

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Arrivé au village de Vent, nous croisons quelques skieurs de pistes de cette petite station  familiale paisible de l'Öztal avant d'attraper un bus qui nous permet de contourner le massif par le nord. Parvenus au terminus de la ligne, au fond de la vallée de Gurgl, nous remettons les peaux de phoque pour gravir les 700m de dénivellée qui nous séparent du  refuge de Langtalereck.  Nous sommes à la frontière des Öztaler Alpen et des Stubaier Alpen qui permettent de basculer vers les Zillertaler alpen. Le temps  se découvre de plus en plus à mesure que la journée avance et c'est sous un ciel presque bleu que nous terminons l'ascension. Ce ciel bleu inattendu nous fait du bien mais ravive aussi la frustration de regarder d'en bas ces sommets grandioses  d'où nous devrions redescendre  !!  A peine arrivés à la cabane,  nous voulons profiter de la fenêtre de ciel bleu inattendue  et nous décidons de repartir  immédiatement  pour l'ascension d'un petit sommet au dessus du refuge.

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Malheureusement, pour nous,  le temps de nous enregistrer, lorsque nous repartons du refuge le ciel se couvre à nouveau déjà, le vent se lève et la neige se remet à tomber. L'éclaircie aura été brève. Nous  décidons rapidement de rebrousser chemin à nouveau dans le brouillard et  regagnons le refuge la tête basse sous  une pluie mêlée de neige. Nous sommes pourtant à 2400m ! Nous nous consolons en buvant 3 pites de bières au refuge en attendant que le diner soit servi ! 

 

J8 Langtalereck hütte - Sölden Obergurgl D+ 900 D-1600

Compte tenu des prévisions météo pour les jours suivants qui ne s'améliorent toujours pas, nous avons décidé que cette étape serait la dernière de la GTA9 et  que nous ne partirions pas pour l'étape très alpine à travers les Stubaier Alpen qui devait nous permettre d'atteindre le col du Brenner .  Au matin de  de J8, nous quittons le refuge  sous un ciel assez couvert et un vent fort. L'objectif du jour est d'atteindre le sommet de l'Eiskogele à 3350m puis de redescendre versant Est vers le  Rotmoostal  ferner puis Obergurgl.  La montée est rapide et la neige porte bien sous les skis. L'atmosphère se rafraichit  et le vent forcit  à mesure que nous montons sur le glacier. L'arrivée sur l'arête sommitale est belle. 

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Nous laissons les skis un peu au dessus du col  (Photo ci dessous à G) et chaussons les crampons pour gravir  l'arete  qui nous séparent du sommet  (Photo du milieu ci dessous) dans un terrain mixte peu plaisant .  L'arête du sommet est éfilée et dangereuse. Nous redescendons avec précaution  (photo ci dessous à D) pour rejoindre le col ou nous devons tirer un petit rappel pour descendre sur le glacier vers le sud. Les pentes qui partent du sommet sont trop peu enneigées pour que nous nous y engagions avec les skis. 

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Nous profitons du rappel posé par un groupe de 4 skieurs qui nous suivaient et qui ne sont pas monté  jusqu'au sommet de l'Eiskogel pour rejoindre le galcier en contrebas du col . Afin de gagner du temps, ce qui est souvent une mauvaise idée, nous nous contentons de nous tenir un par un à la corde de rappel de nos compagnons sans nous encorder pour descendre cette partie raide pour atteindre le glacier (photo ci dessous à G) . Au milieu de la descente, Jean Luc a la mauvaise idée de perdre un crampon  ce qui le déséquilibre au moment où il l'enfoncait dans la neige dure et il ne s'en faut que d un cheveux qu'il ne bascule dans la pente et n'atterrise  10 ou 15 m plus bas dans la neige fraiche. Plus de peur que de mal ! 

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Nous descendons finalement tous les 3  dans ce passage  plus délicat  qu'il ne semblait  et nous retrouvons ensemble après la Rimaye pour rechausser nos skis et entamer la dernière descente de notre GTA9.  La vue est belle et austère sous les nuages  noirs qui s'accumulent de plus en plus en direction des Stubaier Alpen.  S'en suit une descente soutenue et magistrale dans une poudreuse épaisse et légère qui nous permet de nous régaler une dernière fois avant la fin de notre raid . A mesure que nous descendons, la neige se fait plus lourde et devient même franchemant cartonnée dans la grande pente et nous permet de rejoindre la vallée de Rotmoostal puis  plus bas la station huppée de Obergurgl.  Nous terminons sur les pistes de la station. Ici, les télésièges sont chauffants, les voitures de grosses berlines allemandes et  les hotels des palaces luxieux.  Nous nous sentons un peu  intrus dans cet endroit qui ne nous ressemble pas. A peine arrivé dans la station,  nous cherchons une pizzeria pour satisfaire la faim qui nous tiraille tous les 3 et fêter dignement la fin de notre traversée. Nos voisins de table n'en croit pas leurs yeux de nous voir arriver de Davos avec nos skis et nos sacs ! Le raid à ski au long cours reste une activité très marginale.  

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Les 3 choppes de bière blonde  qu'on nous sert nous donnent l'occasion de trinquer à la GTA9 et de célébrer  comme il se doit le magnifique itinéraire que nous avons réalisé entre Davos et Sölden malgré la météo et  les conditions  défavorables tout au long de ce raid.  Elles ont  un parfum très particulier ces bières et ces pizzas , le parfum de la satisfaction et du soulagement d'avoir réussi cette traversée,  mêlé à celui de la frustration d'avoir eu  autant  à batailler pendant ces 8 jours , contre les éléments et les  conditions.   Nos visages fatigués par ces 8 jours en haute montagne sourient, heureux d'avoir cette année encore poursuivi cette belle et Grande Traversée des Alpes.  Au fil des années,  nous mesurons la valeur  inestimable de parvenir à mener un tel projet à bien. ensemble avec ce qu'il implique de disponibilité, d'envie, d'effort, de sens de la montagne et de résilience.  

Nous montons dans  un bus  rempli de touristes  et de bruit qui nous transporte vers Sölden puis vers Öztal banhof et le train pour innsbrück.  Nous avons vraiment quitté la haute montagne.  La pluie grise tombe sans discontinuer pendant tout le trajet devant nos yeux hagards. Elle ne nous aura pas quittés (elle ou sa cousine la neige) pendant toute cette traversée ! Nous attrapons un premier train qui nous amène à Saint Anton et Bludenz, puis un deuxième vers Saran et Landquart où nous retrouvons la voiture. Il nous reste 4H30 de route  à travers la Suisse pour rejoindre le chalet de Saint Gervais , justa assez de temps pour philosopher ensemble  sur le  sens et la richesse de ce grand voyage à travers les Alpes avant de nous effondrer de fatigue dans les  lits de la Chamade.  La GTA9 est terminée.

Vivement  la GTA10 ... en 2024 à travers les Hohentauern et les Ziller Alpen. 

Commentaires

  • Vicken
    • 1. Vicken Le 19/06/2023
    Bravo à vous pour cette magnifique traversée, avec une météo par moments catastrophique de surcroît.
    Un grand merci de partager ces moments uniques !
    Vicken

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